Berne, capitale européenne des sans-papiers
Répondant à l'appel de leurs homologues suisses, les représentants des sans-papiers de douze pays européens se réunissent ce week-end à Berne.
«Cette rencontre nous permettra de faire le point de la situation dans les pays voisins», explique Sandra Modica, membre du Mouvement suisse des sans-papiers.
Ce sera, dit-elle, «l'occasion de rappeler au gouvernement suisse que, ces dernières années, plusieurs Etats européens ont procédé à de larges régularisations sans pour autant bouleverser leur politique migratoire».
Légalisation des clandestins
Ces régularisations ont eu lieu récemment en Espagne, au Portugal, en l'Italie, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Belgique, en France ou encore en Grèce.
A titre d'exemple, en 1997, la France a ainsi donné aux clandestins la possibilité de légaliser leur situation pour autant qu'ils en fassent la demande dans un délai défini. Et qu'ils répondent à des critères précis en matière de durée de séjour et d'activité professionnelle.
Une année auparavant, l'Italie en avait fait de même. Et, en 1991, sous la pression des syndicats, la Grèce a également régularisé quelque 350 000 personnes
Débat avorté en Suisse
La Suisse, elle, reste intransigeante. Après des mois d'occupation d'églises et autres locaux publics à Fribourg, Lausanne, la Chaux-de-Fonds, Berne et Bâle, le débat s'est enlisé. Et cela malgré l'élan de sympathie manifesté en Romandie notamment.
En novembre dernier, les Chambres fédérales ont tout simplement refusé d'ouvrir une discussion sur la question. Prétextant qu'il s'agissait «d'un problème régional».
Résultat: le débat urgent - réclamé à travers trois interpellations déposées par les Verts, le groupe socialiste et la conseillère aux Etats Michèle Berger-Wildhaber - est passé à la trappe.
«Mais le mouvement n'est pas mort», affirme Sandra Modica. La répression, toujours plus forte selon elle, a amené les organisateurs à suspendre les occupations.
Vers un mouvement européen
«Notre première préoccupation a été de protéger les personnes qui étaient dans des situations toujours plus précaires. Mais les collectifs de sans-papiers existent toujours. Ils continuent de se réunir régulièrement».
Il n'empêche que les sans-papiers ont été renvoyés à leur clandestinité sans être parvenus à susciter la naissance d'une organisation au plan national. Cela explique, sans doute, l'initiative du Mouvement suisse des sans-papiers. Il cherche désormais des appuis par-delà les frontières helvétiques.
«Ces rencontres à l'église française de Berne seront l'occasion d'échanger des informations sur les stratégies et les résultats obtenus par les divers mouvements européens», souligne Hannes Reiser, membre du mouvement suisse des sans-papiers. Le but étant à terme de «créer une fédération des mouvements européens».
Politiques migratoires restrictives
Car, le problème des sans-papiers ne connaît pas de frontières nationales. Une évidence pour Sandra Modica. «Les clandestins passent d'un pays à l'autre. Et les mécanismes qui conduisent à leur exclusion sont similaires sur tous les territoires».
«Ils sont les victimes de politiques migratoires toujours plus restrictives qui les poussent dans la clandestinité», lance Sandra Modica.
Et Hannes Reiser de renchérir, «il existe une véritable entente tacite entre les droites populistes qui prônent la fermeture des frontières et le monde de l'économie qui bénéficie ainsi d'une main-d'œuvre à bon marché, dépourvue de tous droits et corvéable à merci».
Pour ce membre du Mouvement suisse des sans-papiers, la situation est d'autant plus préoccupante que les partis populistes et xénophobes gagnent du terrain en Europe. «Ils imposent désormais toujours plus leur politique migratoire».
Climat sécuritaire
Il faut dire qu'en Europe, le climat politique prend une connotation plus sécuritaire. Parallèlement à la régularisation d'une partie des sans-papiers, les Quinze ont coordonné et durci leurs sanctions à l'encontre de l'immigration clandestine.
«En plus de la fermeture des frontières aux immigrants extra-européens, les accords de Schengen ont également permis la création d'une base de données commune. Elle enregistre notamment les entrées puis les mouvements des requérants d'asile sur le territoire européen», explique Sandra Modica.
Selon elle, les Quinze disposent ainsi d'une arme de choix «pour organiser leur répression».
swissinfo/Vanda Janka

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