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Afrique du Sud: la Suisse à nouveau sur le banc des accusés

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La Suisse, dont les milieux économiques et financiers ont soutenu le régime d'apartheid dans les années 80, est dans l'oeil du cyclone. Des ONG et des Eglises sud-africaines réclament des compensations au nom des victimes et menacent de lancer des procédures judiciaires. Les banques, elles, rejettent ces accusations.

Ce contenu a été publié le 28 mars 2001 minutes

Il faut dire qu'elles ont fort à faire. Cette campagne a été lancée par la coalition sud-africaine Jubilee 2000 en Afrique du Sud - qui regroupe les organisations non gouvernementales, les principales Eglises chrétiennes du pays et le puissant syndicat Cosatu.

Neville Gabriel, secrétaire pour la justice économique à la Conférence des évêques catholiques d'Afrique du Sud, vient de rentrer chez lui après avoir mené campagne en Suisse du 8 au 26 mars.

«Les profits extorqués grâce à la répression doivent être rétrocédés aux victimes sous forme de réparation, avait lancé Neville Gabriel, lors de son passage à Fribourg. Si c'est nécessaire, nous irons devant les tribunaux!».

L'UBS a joué un rôle central dans le rééchelonnement de la dette de l'Afrique du Sud en 1985 et dans l'octroi de crédits, en échange de livraisons d'or. La Suisse est ainsi devenue le deuxième créancier du régime d'apartheid qui avait accumulé une dette de 25,6 milliards de dollars en 1993.

Par ailleurs, Berne n'ayant jamais appliqué de sanctions économiques contre Pretoria, les entreprises helvétiques ont accru leurs investissements dans les années 80 et réalisé d'énormes profits aux pires années de la répression.

Jubilee 2000 demande, dès lors, une annulation de la dette et des dédommagements aux sociétés privées. Jusqu'à présent, celles-ci font le gros dos. Et les ONG sud-africaines envisagent d'aller en justice, notamment devant le Tribunal pénal international de La Haye.

Neville Gabriel estime qu'une procédure judiciaire a «des chances de réussir, car d'autres plaintes ont abouti en Allemagne pour le travail forcé et en Suisse pour l'or nazi et les fonds en déshérence. Il déplore toutefois le manque de coopération des banques et de l'industrie.

Les banques ont ainsi décliné l'invitation de Jubilé 2000 à débattre publiquement de la question, préférant des discussions privées. Elles ont également interdit l'accès de leurs archives aux chercheurs qui voudraient explorer en détail leur part de responsabilité, ajouté M. Gabriel.

Raison pour laquelle, Jubilee 2000 demande que le Fonds national de recherche scientifique, qui mène une enquête sur cette question, puisse avoir accès aux archives du secteur privé et de l'armée suisse.

De leur côté, les banques nient toute implication dans la survie du régime d'apartheid. Elles renvoient la balle dans le camp des autorités. L'Association suisse des banquiers (ASB) affirme s'être toujours conformée à la position officielle de la Suisse, qui ne s'est jamais associée aux sanctions économiques internationales à l'encontre de Pretoria.

Selon le porte-parole de l'ASB, il n'y a aucun lien entre l'apartheid et les crédits accordés aux autorités sud-africaines. Au contraire, ces prêts ont contribué à la modernisation de l'économie et à l'amélioration des infrastructures du pays, ce qui a permis d'élever le niveau de vie de la population.

Quant à la «dette odieuse» héritée de l'apartheid - et accusée de paralyser le développement du pays -, Pretoria n'en a jamais demandé l'allègement, rappelle l'ASB. Les banques participent, en revanche, à un fonds mis sur pied par l'industrie suisse pour soutenir des projets de formation «dans l'actuelle Afrique du Sud».

La Confédération a, quant à elle, offert au début 1997 une contribution de 500 000 francs pour la Commission Vérité et Réconciliation (TRC), chargée de faire la lumière sur les crimes de l'apartheid. Cet argent était destiné au fonds présidentiel chargé des réparations aux victimes.

Valérie Hirsch, Johannesburg

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