Affaire Elf-Leuna: la justice allemande fait un pas
Bernard Bertossa, procureur général de Genève, a reçu en fin de semaine un signe positif de la part de la justice allemande. Celle-ci devrait accepter d'étudier sa demande «de délégation de poursuites» concernant le tentaculaire dossier Elf-Leuna.
«Ce n'est pas encore une acceptation formelle, mais c'est une entrée en matière», constate le magistrat suisse, avec un léger sourire. En début de semaine, Bernard Bertossa avait tenu des propos très durs sur la justice allemande, incapable de mener des investigations sur une affaire de pots-de-vin impliquant d'anciens hommes politiques allemands, proches d'Helmut Kohl.
Un magistrat pugnace
En acceptant de la part de la Suisse une «délégation de poursuites de ressortissants allemands», la justice allemande ne pourra plus, sans se déconsidérer, fermer les yeux sur les 60 dossiers préparés depuis quatre ans par le juge genevois Paul Perraudin.
Ce magistrat pugnace a remonté avec une extrême minutie tous les circuits empruntés par les commissions versées en 1992 par la compagnie française Elf lors du rachat de la raffinerie allemande Leuna. Son travail est résumé sur une feuille blanche d'un mètre carré, constellée de noms de sociétés et de flèches de couleurs qui se croisent et s'entrecroisent.
Un montage financier compliqué
En 1992, la compagnie Elf a versé 256 millions de francs français, puis 13,482 millions. Thyssen, 13 millions de marks. L'argent a été perçu par un intermédiaire français, André Guelfi, installé à Lausanne. Puis les millions de la corruption ont pris la direction du Liechtenstein.
Ensuite, c'est la course folle. Les pots-de-vin arrivent et repartent à une vitesse vertigineuse dans des comptes appartenant à des sociétés ou à des fondations installées au Liechtenstein, en Suisse, au Luxembourg, en France, en Autriche, et bien évidemment en Allemagne.
L'un des heureux bénéficiaires n'est autre qu'un ancien secrétaire d'Etat allemand à la Défense, Ludwig-Holger Pfahls. «Le travail effectué en Suisse est considérable. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin. C'est au tour des Allemands d'investiguer s'ils veulent véritablement connaître la fin de l'histoire», conclut Bernard Bertossa.
Il serait temps. Il y aura bientôt dix ans que le pétrolier Elf s'adressait à une société-boîte aux lettres, domiciliée à Vaduz, Nobleplac, appartenant à l'homme d'affaires André Guelfi, dit «Dédé la sardine», pour faire transiter 256 millions de francs français.
Ian Hamel

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