A la recherche du paradis
«Les Créatures du Bon Dieu», dernier roman de l'écrivain suisse Daniel Maggetti, paraissent aux éditions de l'Aire et prennent leurs quartiers dans un village du Tessin.
Où l'on assiste aux amours délurées d'un curé et d'une femme mondaine, qui tentent de créer leur jardin d'Eden.
Daniel Maggetti fait penser à Georges Bernanos et Jacques Chessex. Le génie en moins. Une fois cette méchante observation faite, on peut dire que «Les Créatures du Bon Dieu» sont quand même attachantes par leur côté déluré. Elles vivent écartelées entre leur amour de la religion et celui du sexe.
Ce sont des êtres qui souffrent d'une crispation existentielle, étouffée soit dans la prière, soit dans l'érotisme. Revoilà Bernanos et Chessex. Difficile de ne pas songer à ces deux-là: «Journal d'un curé de campagne» pour l'un, «L'Eternel sentit une odeur agréable» pour l'autre.
Dans «Les Créatures du Bon Dieu», le curé s'appelle don Rodrigo. Il débarque un jour dans un village du Tessin, où il doit reprendre en mains une paroisse laissée par son prédécesseur, un homme d'Eglise radical.
Quant à «l'odeur agréable» dont nous parlions, c'est celle de l'amour que renifle le narrateur - alias Daniel Maggetti - entre don Rodrigo et Marie-Louise Ostenmeyer, une femme mondaine et intellectuelle, issue de l'aristocratie alémanique.
Enfant de choeur
Le narrateur parle donc du haut de son expérience d'enfant de choeur. Pendant plusieurs années, le petit Maggetti a servi la messe de don Rodrigo (tiens! Encore Chessex et son «Eternel») et tenté de pénétrer le secret qui entoure la vie intime du curé.
Don Rodrigo n'est pas rigide et encore moins bigot. C'est un homme très instruit, qui allie facilement miséricorde et ouverture d'esprit. Il a tout pour plaire à Marie-Louise, libre et libertine, «héritière de générations d'aristocrates», voyageuse cultivée, «méprisant les convenances» et ne suivant que ses convictions.
Ce couple hors cadre va dessiner petit à petit le microcosme de deux sociétés. Celle des paysans tessinois barricadés dans leurs préjugés et leurs superstitions.
Et celle plus développée, plus mondaine, plus sophistiquée des Bâlois. Marie-Louise vit en partie dans la ville rhénane, où elle fréquente le gotha des artistes et intellectuels.
Contrariétés et dérive
Deux régions de Suisse, donc, aussi opposées que complémentaires: l'une latine, l'autre germanique; l'une catholique, l'autre protestante; l'une pauvre, l'autre prospère. Avec tout ce que ces contradictions apportent comme frustrations et richesses à la vie des deux amants.
C'est bien connu, les élans passionnés, lorsqu'ils sont contrariés, peuvent mener à la dérive. La dérive de don Rodrigo et Marie-Louise est pastorale. Ce qu'ils veulent, c'est installer au Tessin leur jardin d'Eden. Pas étonnant, pour des «créatures du Bon Dieu».
swissinfo, Ghania Adamo
En bref
«Les Créatures du Bon Dieu», publié aux éditions de l'Aire, est le dernier roman de Daniel Maggetti.
Né au Tessin en 1961, il enseigne la littérature française à l'Université de Lausanne.
Il a gagné le Prix Dentan 1998, un prix littéraire suisse, pour «Chambre 112».
Auteur d'études d'histoire et de critique littéraire, il a également publié «Pleins-vents», un recueil de poèmes, et «La Mort, les anges, la poussière», un ensemble de nouvelles.
L'écrivain suisse est codirecteur de la revue littéraire «Ecriture».

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