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«Le premier recul du sionisme depuis 1948»

Des colons se préparent à partir... Keystone

L'heure du retrait israélien de la Bande de Gaza approche. Yves Besson, arabisant et professeur à l'Université de Fribourg, répond à swissinfo.

Ce contenu a été publié le 15 août 2005

A mi-août, Israël doit en effet rendre aux Palestiniens ce territoire occupé depuis 1967. Un retrait aussi historique que problématique.

8500 colons des 21 implantations de Gaza et de quatre colonies de Cisjordanie quitteront des terres occupées par l'Etat hébreu depuis 1967 pour les rendre aux Palestiniens. Ils ont jusqu'au 14 août à minuit pour abandonner les lieux de gré.

Dans le cas contraire, l'armée israélienne évacuera de force les colons récalcitrants à partir du 17. Trois semaines plus tard, Tsahal devrait entreprendre la démolition de ces implantations. Ancien patron de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) dans la région, Yves Besson éclaire ce moment historique.

swissinfo: Comment voyez-vous le déroulement des événements sur le terrain ces prochains jours?

Yves Besson: Très difficile à dire. Les Palestiniens savent qu'ils ont, vis-à-vis de l'opinion internationale, une carte très délicate à jouer. Une fois que l'armée israélienne et les colons se seront retirés, il faut que l'ordre soit maintenu. C'est une partie difficile à jouer.

En particulier, toute une extrême droite israélienne se réjouirait que le chaos succède au retrait: voyez, ces gens-là sont incapables de s'entendre, de se gouverner eux-mêmes, ils ont besoin de nous! Un certain nombre de gens pensent ainsi. C'est dramatique, la preuve par le chaos que l'occupation israélienne n'était pas une vraie occupation.

L'évacuation elle-même est une affaire intérieure israélienne. Les gens opposés au retrait représentent une force assez importante en Israël. Mais je ne pense pas qu'ils iront jusqu'à provoquer des violences ou des troubles, en dehors d'individus isolés. Tout sera fait en tous cas pour éviter les images de violence.

Les choses se passeront dans les cris, dans les lamentations. Des gens qui s'enchaîneront sûrement, qu'il faudra déloger par la force peut-être. Mais il n'y aura pas d'usage d'arme à feu, je pense. Contraints, la plupart des colons ont rendu leurs armes.

Il faut voir que c'est la première fois que les Israéliens se retirent de territoires occupés depuis 67. Symboliquement, c'est donc extrêmement important. C'est la première fois que le sionisme recule depuis 1948.

swissinfo: Israël évacue. Mais pourquoi, au fond?

Y.B.: En dehors de l'extrême droite, qu'il soit de droite et, surtout, de la gauche travailliste, le leadership israélien a toujours su, dès après 1967, que Gaza est intenable et qu'il faudra évacuer. Vous ne pouvez pas tenir un million et demi de Palestiniens abrutis de pauvreté, y planter des colons au milieu, et tenir.

Comme au jeu de cartes, Gaza est un atout lâché au moment le plus favorable. Sharon a conclu, il y a deux ans, qu'il fallait le faire maintenant, la communauté internationale devenant insistante. Ce retrait donne une bouffée d'air frais à la politique israélienne. Il lui donne un répit pour quelques années.

swissinfo: Ce retrait est-il aussi une manière pour Israël de conserver tout ou partie de la Cisjordanie?

Y.B.: C'est possible, oui. Même un ministre de Sharon l'a dit, il y a sept ou huit mois, je crois.

swissinfo: La Syrie a été contrainte d'évacuer le Liban de manière expéditive sous la pression de la communauté internationale alors qu'Israël conserve les territoires occupés malgré ses obligations internationales. Quel commentaire?

Y.B.: C'est le fameux deux poids deux mesures. Les Arabes le disent, et les Iraniens ne doivent pas non plus se faire prier de le faire dans les grandes discussions actuelles sur le nucléaire.

Maintenant, plusieurs éléments font que le gouvernement israélien a peut-être décidé le retrait de Gaza et quelques concessions en estimant le moment stratégiquement opportun dans l'environnement régional.

Ces éléments sont l'enlisement des Américains en Irak, la victoire des Chiites aux élections irakiennes, l'alliance renouvelée entre le nouveau président iranien chiite et Bashar El Assad à Damas, la constellation politique libanaise où les chiites du Hezbollah restent extrêmement puissants, et le risque d'une bombe atomique chiite si l'Iran la fabrique...

swissinfo: Que sera Gaza dans le proche avenir?

Y.B.: Laissera-t-on des bateaux arriver librement à Gaza? Non. Par qui sera gardée le côté palestinien de la frontière sud de Gaza avec l'Egypte? Par les Palestiniens ou les Egyptiens? L'aéroport va-t-il rouvrir? La tour de contrôle pourra-t-elle faire atterrir librement des avions une fois l'aéroport de Gaza remis en état? Toutes ces questions n'ont pas de réponses pour le moment.

Ces questions sont probablement abordées sous le couvert entre Israéliens, Palestiniens et Egyptiens – les Egyptiens pourraient bien s'impliquer, mais ils ne le disent pas trop. Ils sont, avec les Jordaniens, un partenaire qui pourrait avoir, à la rigueur, un peu, la confiance d'Israël. L'Egypte va reprendre un certain rôle. Une sorte de garant pour la sécurité d'Israël autour de Gaza, côté égyptien.

L'avenir de Gaza dépend du degré de liberté vis-à-vis de l'extérieur qui sera donné à une administration gazéenne. Est-ce que ce sera un Etat souverain? Sûrement pas. Indépendant? Pour quelle indépendance réelle? On ne voit aucun texte, rien...

C'est une grande prison dont les gardiens quittent les bâtiments. La question est: qu'est-ce qui va se passer à l'intérieur?

swissinfo: Et le rôle du Hamas dans tout cela?

Y.B.: C'est un autre point d'interrogation. Il n'y aura jamais de paix si l'on incorpore pas le Hamas dans le processus d'une manière ou d'une autre. Même si les Israéliens et les Américains ne le veulent pas.

Qui sont les vrais ennemis d'Israël? Le Hamas! On négocie avec son ennemi, pas avec ses amis ou ses moitiés d'ennemis.

Interview swissinfo: Pierre-François Besson

Faits

A partir du 17 août, l'armée israélienne ira déloger ceux des 8500 colons concernés par le retrait israélien qui n'auront pas obtempéré.
25 colonies de peuplement disparaîtront – 21 dans la Bande de Gaza et quatre en Cisjordanie.
Ce retrait a reçu l'approbation du gouvernement et du parlement israélien.
Mais il suscite l'opposition farouche des colons, de l'extrême droite et de près d'un tiers des élus du Likoud, le parti Premier ministre.

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